« – Allo ? Je m’appelle…
– Tu t’appelles comment ?
– Pas comment ! Je m’appelle, c’est tout.
– Je ne comprends pas.
– Mais si ! Je m’appelle parce que j’ai perdu mon portable.
– Perdu…
– Ou on me l’a volé. Qui es-tu, d’ailleurs ?
– Je suis « on »… »
Chloé réussira-t-elle à récupérer son portable, trouvé par Salomon dans le métro ? Voici leurs conversations téléphoniques ainsi que celles de leur famille et amis, qui tous se mêlent de cette histoire et de leur relation naissante.
« – Vous savez, si vous voulez chercher quelque chose sur Internet, je veux bien vous aider. C’est facile, on peut trouver des tas de renseignements ou retrouver des tas de gens. – C’est gentil à toi, Sofiane, répond-elle en souriant. Mais je ne cherche plus rien… ni personne. Nous repartons d’un bon pas, la musique l’a revigorée. Je l’entends qui chantonne « Formidable », c’est marrant. Je la ramène jusqu’à chez elle mais je ne rentre pas. À la place, je marche longtemps, jusqu’à ce que la nuit tombe. Parce qu’il y a une voix dans ma tête, qui pleure : « Papa, où t’es ? ».
« -Si je te raconte, tu ne voudras plus être mon amie.-Tu penses quoi ? Que je change d’avis sur les gens si facilement ? dis-je en m’énervant.-Non…-Quand j’aime bien quelqu’un, je lui reste fidèle !-Et tu m’aimes bien ?Je ne réponds pas, mes yeux parlent pour moi, et il semble les entendre. Il reprend en murmurant :-Moi aussi…Il me regarde comme s’il me trouvait jolie, et ça me plaît, mais ça me gêne aussi. Alors je secoue mes boucles et lui lance en riant :-Et puis, de toute façon, qu’est-ce que tu as pu faire de si grave ? Tu n’as pas tué quelqu’un, quand même ?Mais il ne rit pas, au contraire. Ses yeux s’emplissent de larmes et sa voix se met à trembler :-Si justement ! Enfin… je crois. »
« J’espérais que le prof d’anglais ne verrait pas le blanc, le vide, le rien, après « My father’s name is… » Mais il a vu. Il m’a jeté un regard interrogateur et j’ai écrit dans la marge au crayon : « personne ». Alors il a complété ma réponse avec son stylo : « Nobody ».C’est joli, « Nobody ». »
« Viola travaillait son violon pendant des heures. Les exercices et les morceaux que monsieur Setin lui donnait, et puis aussi les airs qui lui venaient tout seuls, de plus en plus souvent, de plus en plus jolis. Vers sept heures sa mère tambourinait à sa porte, parce que les devoirs n’étaient pas faits, et le dîner pas prêt, « et par pitié arrête ce bruit, ça me rend folle ! ». Alors Viola soupirait, reposait tendrement son violon dans son étui de velours, puis elle bâclait ses devoirs et picorait son dîner. Mais quand elle se couchait, elle se sentait bien, elle se sentait belle et riche et grande. Elle rêvait de notes, qui lui faisaient comme une traîne. La nuit elle jouait encore, et le monde entier l’écoutait. »