« – Allo ? Je m’appelle…
– Tu t’appelles comment ?
– Pas comment ! Je m’appelle, c’est tout.
– Je ne comprends pas.
– Mais si ! Je m’appelle parce que j’ai perdu mon portable.
– Perdu…
– Ou on me l’a volé. Qui es-tu, d’ailleurs ?
– Je suis « on »… »
Chloé réussira-t-elle à récupérer son portable, trouvé par Salomon dans le métro ? Voici leurs conversations téléphoniques ainsi que celles de leur famille et amis, qui tous se mêlent de cette histoire et de leur relation naissante.
« Viola travaillait son violon pendant des heures. Les exercices et les morceaux que monsieur Setin lui donnait, et puis aussi les airs qui lui venaient tout seuls, de plus en plus souvent, de plus en plus jolis. Vers sept heures sa mère tambourinait à sa porte, parce que les devoirs n’étaient pas faits, et le dîner pas prêt, « et par pitié arrête ce bruit, ça me rend folle ! ». Alors Viola soupirait, reposait tendrement son violon dans son étui de velours, puis elle bâclait ses devoirs et picorait son dîner. Mais quand elle se couchait, elle se sentait bien, elle se sentait belle et riche et grande. Elle rêvait de notes, qui lui faisaient comme une traîne. La nuit elle jouait encore, et le monde entier l’écoutait. »
« Et Mirabelle réalise brusquement que Moche est beau ! Mais alors… si Moche n’est plus moche, peut-être que Miralaide peut un jour espérer devenir Mirabelle.
Mais comment faire ? S’affamer ? Se teindre en blonde ? Marcher à l’aveuglette ? Porter un dentier ? Se peindre le visage ? Se faire raboter le nez ? Non, ça ne marcherait pas. Et puis ce serait comme un mensonge. Mirabelle ne serait plus Mirabelle. Ce qu’elle veut, c’est être elle, et aimer être elle. »
« -Mais… c’est vrai que tu oublies un peu des trucs. Ce n’est pas grave, à ton âge. -Ah ! c’est comme ça ! Toi aussi tu me traite de débile ? Tu penses que je suis sénile ? Je m’arrête net, horrifiée, et m’écrie : -Mais non, Gramps ! C’est pas vrai ! Je… tu… enfin… Il s’est arrêté, lui aussi, et me regarde en silence. Et soudain, dans ses yeux, je vois toute la rage sauvage refluer, remplacée par quelque chose d’humide et d’une douceur terrible, qui ressemble au désespoir. -De quel côté es-tu, Madeleine ? chuchote-t-il, et ça sonne comme un appel au secours. Je respire un grand coup et je réponds tout doucement : -Du tien. Toujours. »
« J’espérais que le prof d’anglais ne verrait pas le blanc, le vide, le rien, après « My father’s name is… » Mais il a vu. Il m’a jeté un regard interrogateur et j’ai écrit dans la marge au crayon : « personne ». Alors il a complété ma réponse avec son stylo : « Nobody ».C’est joli, « Nobody ». »