« Et maintenant c’est le tour d’Hannah. Au-dessous d’elle, la nuit est noire et elle distingue à peine les feux de reconnaissance des partisans et les arbres enneigés. Mon Dieu ! Comme ça fait peur de sauter dans le noir, le froid ! Comme ça fait peur, la guerre en bas ! Mais c’est son choix, c’est ce qu’elle voulait, et elle va le faire. Parce que pas loin, il y a la frontière, la Hongrie, sa mère, et tous les Juifs qui l’attendent pour qu’elle vienne les sauver. Alors, elle respire un grand coup et lève la tête vers le ciel pour une prière. Est-ce qu’il la voit, son père ? Est-ce qu’il est fier ? Et puis elle saute. »
Biographie romancée de Hannah Senesh, jeune juive hongroise et résistante. Tour à tour pionnière, poète et parachutiste, elle sera fusillée en 1944 à l’âge de 23 ans, après une vie ardente et passionnée.
« – Des menottes ! Il nous faut des menottes ! déclare Serge. Je les rajoute sur la liste des courses. – On a du chloroforme ? demande Beate. – Je m’en occupe, répond David qui est médecin. – J’ai deux matraques chez moi, fanfaronne Elie, et même un vieux pistolet ! – Ah non, pas de pistolet ! Nous ne sommes pas des assassins, nous, refuse Marco. – On ne le chargera pas, mais il nous faut une arme pour être pris au sérieux, s’entête Elie. Soudain Serge et Beate éclatent de rire. À les voir ainsi tous les cinq en train de chuchoter fébrilement dans l’arrière-salle sombre d’un petit restaurant, on dirait une bande de malfrats préparant un mauvais coup. Mais ils n’ont pas le choix : pour forcer l’Allemagne à assumer ses responsabilités, ils doivent kidnapper Lishka ! »
« «Personne n’a des cheveux comme ça », s’étonnent-ils. «Alors, je suis personne ? » s’interroge Mira. « On dirait la fourrue d’un chat », ajoutent-ils parfois. « Alors je suis un chat », conclut-elle, secrètement flattée.
C’est pour cela qu’elle marche la tête très haute, à longues enjambées souples, hautaine et lointaine, arrogante malgré tous ses doutes, malgré son peu d’années. C’est pour ça, qu’elle griffe : car elle est un chat sans velours aux pattes. Un chat écorché, un chat échaudé, qui miaule sans arrêt et ne ronronne que seul, tellement seul ».
…
« Un jour, un jour bientôt, ses mains viendront, son corps l’enserrera, et quand il voudra entrer, elle l’accueillera. Mais pour l’instant c’est trop tôt, ils n’en sont qu’à la peau, aux frôlements de doigts, aux baisers délicats, aux genoux rapprochés, aux corps devinés. Pas encore prêts pour le violent, le nu et le dedans, trop tôt encore pour l’embrasement du sang. »
« Il y avait plusieurs berceaux et plusieurs bébés. Ils avaient tous un nom écrit sur le bracelet à leur poignet, ils avaient tous une maman. Sauf le mien. Mais où était-il ? Et puis, au moment où l’infirmière présente dans la salle s’approchait de moi, je l’ai trouvé, le seul bébé tout seul, le seul dont le bracelet soit vierge. Un bracelet bleu parce que c’était mon garçon, bleu comme ses yeux qu’il a ouverts soudain pour me regarder au fond, et qui étaient si semblables à ceux de sa non-mère que j’ai éclaté en gros sanglots déchirants. »
« On se touche un petit peu, on se raconte des choses. On descend rapprochés et on marche lentement, dans la pluie dans le vent dans le soleil couchant. Quant les rues se désertent et que les arbres se serrent, on s’arrête de marcher pour pouvoir s’embrasser. Ça fait chaud dans la bouche, ça fait chaud dans le ventre. … C’est si bon ce qu’on sent qu’on pourrait exploser.
Mais si bon c’est trop bon, parce qu’il faudrait bien plus, il faudrait plus longtemps, il faudrait sans fin. Alors, tandis qu’avec délices je me plonge dans l’instant, il y a cachée dans l’ombre une petite moi fiévreuse, qui se tord les mains en regardant sa monter, compte les secondes à rebours et répète comme une folle que ça va s’arrêter. »