« Quand le vent me souffle dans les cheveux, je voudrais bien le suivre, le laisser m’emporter. Tout le temps je veux le vent. Mais je n’ai pas le droit de voler. »
La vie, c’est bien rangé. À la maison, l’école, tout est organisé. C’est simple, c’est rassurant… mais c’est tout enfermé ! Un petit récit plein de souffle à la poursuite de la liberté.
« Le premier jour du CP, en faisant l’appel, la maîtresse a eu les yeux qui lui sortaient de la tête. Elle a respiré un grand coup, a pris son élan et s’est appliquée à prononcer chaque lettre en articulant exagérément : « Ve-lo-de-ji-mi-ere-ts ». Ça faisait débile, et en plus, c’est même pas comme ça qu’on dit ! Puis elle a relevé la tête avec un sourire dégoulinant de fausse gentillesse et m’a sussuré d’un ton mielleux :
-Quel prénom, euh… original. C’est de quelle origine ?
J’ai rougi et chuchoté :
-Polonais.
Nemo s’est retourné et j’ai pensé : « Oh non ! À tous les coups, il va me traiter de « poney » et se mettre à hennir ! »
« Le matin, en entrant en classe, j’agite mes cheveux dans tous les sens en lançant : « Bonjour mes nattes… euh pardon, mes tresses ! » à madame Meunier. (…) À la cantine, je vomis en faux, je bave en vrai, je fume ma fourchette, je broute ma salade, je fais des bulles dans mon verre.
(…) Avec moi, personne ne pleure (à part de rire, personne ne meurt (à part de rire), et il n’y a que les rires que jerends fous. (…)
(…) Moi, mon chagrin, je lui mets un nez rouge et je le bombarde de tartes à la crème ! »
– Pour faire partie de mon club, explique-t-il le lendemain à Robin, il faut se calmer. – Mais pourquoi ? On est super calmes, nous, s’écrie Robin en se tortillant. – Pas assez… Pour commencer, il faut apprendre à parler doucement, sans crier. – Jamais ? – Non, jamais. – Même quand on nous embête ? – Même. Et puis il faut parler len-te-ment. – Maispourquoi ? Onperddutempsonpeutpasdiretoutcequonveutdire… – Arrête ! Recommence, en articulant s’il te plaît, le gronde Max sévèrement. – Pas la peine, bougonne Robin. – En enfin, interdiction de dire des gros mots. – Aucun ? – Non ! – Même pas m…. ? – Même pas. – Et c.. ? Et p….. ? Et b….. ? Et n…. ? – Stop ! Plus un seul. On a juste le droit d’utiliser des mots comme « zut », « mince », flûte » ou à la rigueur « diantre ». – Mais c’est nul ! – Nul aussi, si tu veux…
« Ajouter le sucre… mélanger la farine… couper le chocolat… voilà enfin des mots qui sentent bon, des mots qui ont un sens : du bon sens ! Jacquot suit les lignes avec son doigt et arrive vite au bout de la recette. Il relève les yeux et réalise, ébloui, que pour la première fois de sa vie il a lu un texte en entier, sans douleur, sans ennui, et en comprenant presque tout. « C’est parce que c’est intéressant », se dit-il. Et utile aussi : car il compte bien les faire, ces cookies, il compte bien les manger ! »